Arlette de Falaise

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Arlette de Falaise
Représentation de ses trois fils (de gauche à droite : Odon, Guillaume, Robert) sur la Tapisserie de Bayeux.
Biographie
Naissance
Décès
Nom de naissance
Erlèvete de FalaiseVoir et modifier les données sur Wikidata
Père
Mère
Duxia (?) (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Herluin de Conteville (de à )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Statue d'Arlette de Falaise à Huy. Dans cette ville belge, elle est considérée une enfant du pays.

Arlette de Falaise (ou Herleva, Erlève, Herlève, Herlotte, Herlotte[note 1]), née vers 1010 et morte vers 1050[1], est la concubine du duc de Normandie Robert le Magnifique. Elle est la mère de Guillaume de Normandie puis, après son mariage avec Herluin de Conteville, de deux autres fils : Odon de Bayeux et Robert de Mortain.

Biographie[modifier | modifier le code]

Personnage peu connu (aucun texte contemporain ne l'évoque), Arlette de Falaise ne figure pas dans les biographies de Guillaume le Conquérant écrites par Guillaume de Jumièges ou Guillaume de Poitiers. Son nom apparaît pour la première fois dans une charte de l'année 1082, soit bien après sa mort[2].

D'après Orderic Vital, son père s'appelait Fulbert de Waipré, et habitait Falaise. Le métier de cet homme est assez obscur[3]. Ce chroniqueur affirme que les parents d'Arlette étaient « pollinctores », un terme habituellement traduit par « pelletiers », c'est-à-dire qui vendent des peaux et des fourrures. Le trouvère normand Wace fait de Fulbert un parmentier[4], nom de métier qui signifiait mot-à-mot « qui fait les parements », c'est-à-dire initialement « celui qui fabrique des pièces d'étoffes décoratives », d'où le sens dérivé de « tailleur »[5]. En le désignant comme peletier, Benoît de Saint-Maure va dans le même sens qu'Orderic Vital, mais le nomme Robert et lui ajoute l'activité de brasseur. À l'encontre de cette tradition historiographique normande, l'historienne britannique Elisabeth van Houts traduit pollictor par « préparateur mortuaire » ou « embaumeur »[6]. Quoi qu'il en soit, l'origine d'Arlette est modeste et infamante pour son fils Guillaume, même si Robert le Magnifique éleva ensuite Fulbert à la fonction de chambrier ducal.

Une légende locale[1],[7] relate qu'elle serait née à Huy, petite ville de la province de Liège, en Belgique, fille de Fulbert, tanneur de Florennes et de Doda, princesse écossaise.

La fontaine d'Arlette à Falaise.

Beaucoup de textes, largement postérieurs à la vie des protagonistes, racontent, avec romantisme, la rencontre entre le duc Robert le Magnifique et Arlette. Une légende relate notamment que le jeune duc Robert, de retour d'une chasse à cheval, vit Arlette laver son linge dans la rivière au lieu-dit : « La Fontaine d'Arlette »[8], au pied du château de Falaise. Il ne résista pas à sa séduction et la prit pour concubine.

Une variante raconte qu'Arlette chantait et dansait dans les champs avec d'autres jeunes filles, quand le futur duc la remarqua de sa fenêtre[9]. Quoi qu'il en soit, elle lui donna une fille, Adélaïde, née vers 1026, et un fils, Guillaume, né vers 1027.

Arlette de Falaise fut mariée ensuite à Herluin de Conteville, un modeste seigneur du sud de l'estuaire de la Seine. La date de leur mariage reste discutée. Deux hypothèses s'opposent sur ce point. Selon la première, le duc, s'étant désintéressé de sa maîtresse, la donna à marier à Herluin, leur mariage et la naissance de leurs deux fils ayant lieu entre 1029 et 1032. La seconde théorie s'appuie sur le récit de Guillaume de Jumièges : « Mais après que le duc pèlerin de Jérusalem fut mort, un certain Herluin, brave chevalier, prit Herlève pour femme, et en eut deux fils, Eudes et Robert, qui dans la suite parvinrent à une grande illustration »[10].

Trois enfants (ou quatre voire cinq selon D. Bates) sont nés de cette union : Odon de Bayeux, Robert de Mortain, et Muriel[11]. Odon et Robert deviennent tous deux des piliers du régime de Guillaume, devenu duc de Normandie, puis roi d'Angleterre en 1066[11]. Muriel épouse Eudes au Chapel (ancien normand al Capel « au chapeau »), vicomte du Cotentin, que Wace liste parmi les conseillers du duc en 1066. Adélaïde, une demi-sœur de Guillaume, est peut-être la fille issue d'une autre maîtresse de Robert de Normandie, mais elle est plus probablement la fille d'Arlette[1]. Pour l'historien britannique David Bates[12], elle est la fille d'Arlette et Herluin. Pour l'historien français Pierre Bauduin, Adélaïde est la fille du duc Robert et d'une maîtresse inconnue qui n'est pas Arlette[13].

En 1035, le duc Robert le Magnifique meurt. Bien que Guillaume fût de naissance illégitime, il hérita donc du titre de son père, et Gilbert de Brionne devint son tuteur. Plusieurs barons normands, qui n'acceptaient pas ce bâtard comme duc, tentèrent d'assassiner Guillaume en 1046, ils échouèrent.

Lorsque Guillaume le Conquérant, devenu duc de Normandie, décida d'envahir l'Angleterre en 1066, il demanda à ses demi-frères Odon de Bayeux et Robert de Mortain de se joindre à lui.

La position privilégiée d'Arlette de Falaise profita aux membres de sa famille[1]. Son père entra certainement au service du duc grâce à elle. Deux de ses frères sont connus, Gaultier et Osbern. Gautier aurait été l'un des gardes du corps de son neveu, le duc Guillaume le Bâtard, durant les troubles de son enfance. Orderic Vital relate qu'une nuit Gautier dut lui sauver la vie en se réfugiant dans la « retraite [...] du pauvre[14] ». L'une des filles de Gautier, Mathilde, épousa Raoul II Tesson, dont la famille était éminente en moyenne Normandie[1].

Arlette de Falaise décède aux environs de 1050[1]. D'après le chroniqueur Robert de Torigny, elle est inhumée à l'abbaye de Grestain[15]. Pour l'historien britannique David C. Douglas, il est très improbable qu'elle soit enterrée là, car elle n'est pas mentionnée comme bienfaitrice de l'abbaye à sa création, et cette création date certainement d'après sa mort[15].

Familles et descendance[modifier | modifier le code]

Avec le duc de Normandie Robert le Magnifique :

Avec Herluin de Conteville († v. 1066) :

Il y a débat entre historiens sur d'autres possibles enfants :

  • Adélaïde (v. 1026-v. 1090), comtesse d'Aumale[12] ;
  • Muriel, qui épouse Eudes au Capel, vicomte du Cotentin, que Wace liste parmi les conseillers du duc en 1066[11] ;
  • Une fille non nommée qui épouse Guillaume, seigneur de La Ferté-Macé[12], mais qui pourrait être aussi une fille d'Herluin et de sa seconde épouse.

Notes et références[modifier | modifier le code]

Notes[modifier | modifier le code]

  1. Herleve (latin Herleva) représente vraisemblablement une forme romanisée du nom de personne féminin vieux danois Herlef, issu lui-même du nom de personne féminin vieux norrois Hærlæif (Herlef sur le site de Nordic Names [1]), anthroponymes composés des éléments HER > hær, her « armée » (Arletta sur le site Nordic Names [2]) + -leif « veuve, sœur ». Cela renforce l'idée d'une origine normande d'Arlette, d'autant plus qu'elle n'est pas la première Herleve attestée à cette époque dans le duché, par exemple, la femme de Robert le Danois, frère du duc Richard II, s'appelle également Herlève et est probablement la fille de Turstin le Riche (Michel de Bouard, Histoire de la Normandie, Toulouse, Privat, avril 1984, 1re éd. 1970, notice BnF no FRBNF34753697, p. 120) au nom incontestablement scandinave Þorsteinn.

Références[modifier | modifier le code]

  1. a b c d e et f David C. Douglas, William the Conqueror, University of California Press, 1964, p. 380-383.
  2. David Bates, Véronique Gazeau, « L'abbaye de Grestain et la famille d'Herluin de Conteville », Annales de Normandie, 40e année, no 1, 1990. p. 5-30.
  3. (en) Elizabeth Luckock, William the Conqueror, Putnam, , p. 13.
  4. Wace, Roman de Rou, éd. A. J. Holden, 3, Paris, 1971, p.227-228.
  5. Site du CNRTL : sens et étymologie de parement.
  6. Elisabeth M. C. van Houts, « The Origins of Herleva, Mother of William the Conqueror », dans The English Historical Review, vol. 101, no 399 (avril 1986), p. 399-404.
  7. Voir le roman légendaire Arlette par Freddy Van Daele (2004), basé sur des annotations de Maurice de Neufmoustier au XIIIe siècle.
  8. Falaise Suisse Normande [3].
  9. Armand Albert-Petit, Histoire de Normandie, Boivin, , p. 65.
  10. Guillaume de Jumièges, Gesta Normannorum Ducum, édition Guizot, 1826.
  11. a b et c Elisabeth M. C. Van Houts, « Wace as Historian », The History of the Norman people: Wace's Roman de Rou, collaborateurs : Glyn Sheridan Burgess, Elisabeth M. C. Van Houts, publié par Boydell Press, 2004, p. XXXV.
  12. a b et c David Bates, « Odo, earl of Kent (d. 1097) », Oxford Dictionary of National Biography, Oxford University Press, 2004.
  13. Pierre Bauduin, La première Normandie (Xe – XIe siècles), Presses Universitaires de Caen, 2006 (2e édition) p. 306 (note).
  14. Orderic Vital, Histoire de Normandie, Éd. Guizot, Paris, 1826, tome III, p. 198.
  15. a et b David C. Douglas, William the Conqueror, University of California Press, 1964, Modèle:P.-383.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]