Aliénor d'Angleterre (1161-1214)

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Aliénor d'Angleterre
La reine Aliénor.
Fonction
Reine de Castille
Titres de noblesse
Princesse
Reine de Castille
Biographie
Naissance
Décès
Voir et modifier les données sur Wikidata (à 53 ans)
BurgosVoir et modifier les données sur Wikidata
Sépulture
Activité
ConsortVoir et modifier les données sur Wikidata
Famille
Père
Mère
Fratrie
Conjoint
Alphonse VIII de Castille (à partir de )Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Bérengère Ire de Castille
Sancho de Castille (d)
Sancha de Castilla (d)
Urraque de Castille
Blanche de Castille
Fernando de Castilla y Plantagenet (en)
Aliénor de Castille
Mafalda de Castille (en)
Constanza de Castilla (d)
Henri Ier de Castille
Enrique de Castilla (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Blason
Vue de la sépulture.

Aliénor d'Angleterre, née en septembre 1161[1],[2], au château de Domfront et morte le au Monastère royal de las Huelgas de Burgos, est une princesse royale issue de la dynastie Plantagenêt et devenue par mariage reine de Castille.

Enfance[modifier | modifier le code]

Fille d'Henri II Plantagenêt et d'Aliénor d'Aquitaine, Aliénor d'Angleterre est issue d'une fratrie de huit enfants : elle est la sixième et la deuxième fille et a notamment pour frères les rois Richard Cœur de Lion et Jean sans Terre. Elle naît en septembre 1161[3],[4],[5] au château de Domfront en Normandie[6], où elle est baptisée par le Cistercien Henri de Marcy, abbé de Hautecombe, du prénom de sa mère, Aliénor (Aliénor signifierait en latin « l'autre Aénor », Aénor de Châtellerault étant la mère d'Aliénor d'Aquitaine)[7]. Dans cette Normandie, à Poitiers ou dans les autres territoires de ses parents Aliénor et Henri, son enfance sera marquée par la poésie, l’apprentissage de la langue d'oc, le goût du style gothique.

Projets matrimoniaux[modifier | modifier le code]

Mariage d'Alphonse VIII et d'Aliénor Plantagenet.

En 1165, dans le cadre d'un traité d'alliance entre son père et Frédéric Barberousse, Saint Empereur Romain, Aliénor, âgée de trois ans, est fiancée avec le fils de l'empereur, Frédéric de Hohenstaufen, âgé d'à peine un an. Mais l'accord ne dure que jusqu'en 1169, soit parce que Barberousse a décidé de réorienter sa politique en direction du royaume de France, soit parce que le petit Frédéric meurt juste à cette époque.

D'après le chroniqueur Matthieu Paris, de nouvelles négociations en vue de trouver un autre fiancé à Aliénor ont lieu dès 1168 : ses parents, pour éviter une alliance entre l'Aragon et le comté de Toulouse, décident de la marier à l'héritier du trône de Castille, le jeune Alphonse VIII, alors âgé de quinze ans tandis qu'Aliénor en a huit[8]. Le jeune roi cherche quant à lui un soutien dans sa lutte contre Sanche IV de Navarre. Ce mariage conduira le roi Henri II à devoir arbitrer ce conflit de frontière en 1177. La très jeune Aliénor, à l'issue d'un vaste conseil destiné à fixer les termes du mariage, est remise aux prélats castillans avec qui elle traverse les Pyrénées pour rejoindre son futur mari[9].

Mariage avec Alphonse VIII de Castille[modifier | modifier le code]

Le mariage entre Alphonse, qui a été couronné l'année précédente à Burgos, et Aliénor est célébré en 1170 à Tarazona. Alphonse offre à son épouse la juridiction sur quatorze villes, seize châteaux et les rentes de neuf ports. Cette union permet également de renforcer la frontière des Pyrénées. Aliénor reçoit en dot le duché de Gascogne, qui n'entrerait en sa possession qu'à la mort d'Aliénor d'Aquitaine[9], qu'Alphonse ne pourra toutefois jamais annexer à la couronne de Castille. Cette donation de la Gascogne est de nos jours controversée[3]. Cela n'empêchera pas de nombreux barons gascons de venir en aide à leur souverain dans sa lutte contre les Almohades. Alphonse offre systématiquement à sa femme la moitié des terres qu'il leur reprend.

En 1180, les monarques décident de fonder un monastère de l'ordre cistercien, Santa María la Real de Las Huelgas, dans la ville de Burgos. L'endroit était censé initialement dépendre du monastère de Santa María de la Caridad de Tulebras, en Navarre, mais il devint dès 1187, sur décision royale, la maison mère de toutes les abbayes féminines cisterciennes du pays. Alphonse VIII et Aliénor choisiront d'en faire le panthéon royal pour eux-mêmes et leurs descendants.

En 1183, la reine fit également construire en la cathédrale de Tolède une chapelle dédiée à saint Thomas Becket (Thomas de Canterbury), qui fut la première vouée au saint en dehors des îles britanniques. Elle fut détruite par la suie et intégrée à la chapelle de Santiago, construite par le connétable Alvaro de Luna pour y installer sa propre tombe. Toujours en 1183, sur le site de la mosquée de Cuenca, une ville castillane reconquise en 1177, elle ordonna la construction de la cathédrale de Sainte-Marie-et-Saint-Julien dans un style gothique anglo-normand.

Autour de l'an 1200, Alphonse commence à tenter de revendiquer la Gascogne, comme partie de la dot d'Aliénor, bien qu'aucun document écrit ne vienne à l'appui de ces prétentions. Il est d'ailleurs douteux qu'Henri II se soit ainsi séparé d'une part aussi importante de ses territoires. Il est possible, dans le meilleur des cas, que la Gascogne ait servi de garantie pour le paiement complet de la dot d'Aliénor. Alphonse ira jusqu'à envahir la Gascogne au nom de son épouse en 1205. L'année suivante, le roi Jean sans Terre accorde à sa sœur un sauf-conduit pour que celle-ci puisse lui rendre visite, peut-être pour ouvrir des négociations de paix. En 1208, Alphonse renonce mais plusieurs décennies plus tard, son arrière-petit-fils, Alphonse X de Castille, reprendra à son compte la revendication du duché en arguant du fait que la dot ne fut jamais intégralement réglée.

Influence politique[modifier | modifier le code]

De toutes les filles d'Aliénor d'Aquitaine, celle qui porte son prénom sera la seule à laquelle les circonstances permettront de jouer le rôle influent que sa mère avait exercé sur la politique de son temps. Son propre contrat de mariage, mais aussi celui de la première union contractée par sa fille Bérengère, donnent à Aliénor le contrôle direct d'un grand nombre villes, terres et châteaux à travers tout le royaume. Elle était presque aussi puissante que son époux, qui précisera dans son testament de 1204 qu'elle devrait gouverner aux côtés de son fils au cas où lui-même mourrait, y compris s'agissant du paiement de ses dettes et de l'exécution de son testament[10]. C'est notamment Aliénor qui convaincra Alphonse de marier leur fille Bérengère à Alphonse IX de León. Leur fille Blanche épousera en 1200 le futur roi de France, Louis VIII, probablement à l'instigation d'Aliénor d'Aquitaine[11].

Aliénor meurt le , quelques semaines après son époux, et est enterrée à Las Huelgas. Elle assurera la régence de la Castille pendant les 24 jours qui séparent les deux décès. La perte de son mari sera un tel choc pour la reine qu'elle sera incapable d'assister à ses obsèques, remplacée par leur fille aînée, la future reine Bérengère.

Influence culturelle[modifier | modifier le code]

Aliénor apporte dans son nouveau royaume la culture courtoise, la poésie et les troubadours, que sa mère lui avait transmis. La reine aura une influence sur les mariages de ses enfants. Elle semble avoir participé avec son mari à des constructions comme l’Hôpital du roi à Burgos en 1195. Un troubadour du nom de Raimon Vidal de Bezaudun avait écrit un verset qui parlait de l'influence de la culture Plantagenêt à la cour de Castille :

''Et quand le roi avait appelé à sa cour,

tant gentilhomme, riche baron, et jongleur,

et la compagnie avait rencontré,

puis vint la reine Aliénor

modestement vêtu d'un manteau de matière fine,

rouge, avec des bords d'argent,

avec des lions d'or.

Elle s'incline devant le roi

et a pris un siège près de lui "[12].

Portrait d'Aliénor[modifier | modifier le code]

Le mariage entre les deux époux semble s’être transformé en un mariage d'amour parce que dans la Cronica de veinte reyes, il est dit que « Don Alfonso, rend sa vie bonne et très belle avec sa femme Aliénor, a eu avec ses enfants que pour vous dire ». La Cronica de veinte reyes décrit Aliénor comme une femme aimable et « très amie avec son mari ». L'auteur parle d'une relation étroite et féconde entre Aliénor et Alphonse.

Descendance[modifier | modifier le code]

Aliénor et son mari Alphonse VIII eurent au moins dix enfants :

Notes et références[modifier | modifier le code]

  1. Jean Flori: Aliénor d'Aquitaine, la reine insoumise, biographie Payot, Paris, 2004, p. 113.
  2. Cerda 2021.
  3. a et b Cerda 2011.
  4. Edmond René Labande, « Les filles d'Aliénor d'Aquitaine : étude comparative », Cahiers de Civilisation Médiévale, nos 113-114,‎ , p.107 (DOI 10.3406/ccmed.1986.2320, lire en ligne).
  5. Turner 2011, p. 172.
  6. (en) Matthieu Paris, English history, from 1235 to 1273.
  7. Geoffroy de Vigeois, (lat.) Chronicon Comitum Pictaviae,HF 12, p.c. 48, pp. 435-436 "quae vocabatur Aenor, genuit filiam quae apellata est Alienor, quasi alia Aenor", dans Jean Flori, op.cit., p.32 et p. 446, note 3. ( cette théorie est réfutée par Philippe Delorme: Aliénor d'Aquitaine. Pygmalion . 2013, et Alfred Richard: Histoire des comtes de Poitou, Picard 1903).
  8. (en) Theresa Vann, Queens, Regents and Potentates, Boydell Press, , Vol. I.
  9. a et b Turner 2011, p. 239.
  10. (en) Miriam Shadis, Berenguela of Castile (1180–1246) and Political Women in the High Middle Ages, Palgrave Macmillan, , 251 p. (ISBN 978-0-312-23473-7).
  11. Philippe Delorme. Blanche de Castille. Pygmalion. 2015.
  12. (es) Manuel Mila y Fontanels, "De los trovadores en España". In Martinez, C.; Manrique, F. R. (eds.). Obras de Manuel Mila y Fontanels. 2. CSIC, Barcelone, .

Bibligraphie[modifier | modifier le code]

  • Efeta escuela feminista de Téologia de Andalucia : Leonor de Plantagenet.
  • (es) José Manuel Cerda, Leonor de Inglaterra. La reina Plantagenet de Castilla (1161-1214), Gijón, Trea ediciones, .
  • José Manuel Cerda, [PDF] « Leonor de Inglaterra. La desconocida reina de Castilla, ocho siglos después », Red Cultural.
  • José Manuel Cerda, « La dot gasconne d'Aliénor d'Angleterre. Entre royaume de Castille, royaume de France et royaume d'Angleterre », Cahiers de civilisation médiévale, vol. 54, no 215,‎ (ISSN 0007-9731).
  • José Manuel Cerda, « Leonor Plantagenet y la consolidación castellana en el reinado de Alfonso VIII », Anuario de Estudios Medievales, vol. 42.2,‎ (ISSN 0066-5061).
  • Cerda, José Manuel (2016), "Matrimonio y patrimonio. La carta de arras de Leonor Plantagenet, reina consorte de Castilla", Anuario de Estudios Medievales, vol. 46.
  • Cerda, José Manuel (2016), Leonor Plantagenet and the cult of Thomas Becket in Castile, The cult of St Thomas Becket in the Plantagenet World, ed. P. Webster and M.P. Gelin, Boydell Press.
  • Cerda, José Manuel (2013), "The marriage of Alfonso VIII of Castile and Leonor Plantagenet : the first bond between Spain and England in the Middle Ages", Les stratégies matrimoniales dans l’aristocratie (Xe – XIIIe siècles), ed. Martin Aurell.
  • Cerda, José Manuel (2018), "Diplomacia, mecenazgo e identidad dinástica. La consorte Leonor y el influjo de la cultura Plantagenet en la Castilla de Alfonso VIII", Los modelos anglonormandos en la cultura letrada de Castilla, ed. Amaia Arizaleta y Francisco Bautista (Toulouse).
  • Cerda, José Manuel (2019), "Un documento inédito y desconocido de la cancillería de la reina Leonor Plantagenet", En la España Medieval, vol. 42.
  • Ralph V. Turner, Aliénor d'Aquitaine, Paris, Fayard, , 485 p. (ISBN 978-2-213-66286-2).

Liens externes[modifier | modifier le code]