Abd Al-Malik (calife omeyyade)

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ʿAbd Al-Malik
Avers d'un dinar omeyyade en or figurant Abd Al-Malik (vers 695, British Museum).
Fonction
Calife omeyyade
-
Titre de noblesse
Calife
Biographie
Naissance
Décès
Nom dans la langue maternelle
عبد الملك بن مروانVoir et modifier les données sur Wikidata
Activités
Famille
Père
Mère
Aïcha bint Muʿawiya bin Mughira (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Fratrie
Muḥammad ibn Marwān
ʿAbd al-ʿAzīz ibn Marwān
Aban ibn Marwan (en)
Bishr ibn Marwan (en)
Ubayd Allah ibn Marwan (en)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoints
Atikah bint Yazid (en)
ولادة بنت العباس (d)
عائشة بنت موسى (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Enfants
Al-Walīd Ier
Sulaymān
ʿAbdallāh ibn ʿAbd al-Malik
Maslama ben Abd al-Malik
Yazīd II
Hicham
Muhammad ibn Abd al-Malik ibn Marwan (en)
Fatima bint Abd al-Malik (en)
Marwan ibn Abd al-Malik (en)
Sa'id ibn Abd al-Malik (en)Voir et modifier les données sur Wikidata

Abd Al-Malik ou Abou Al-Walid Abd Al-Malik ibn Marwān (en arabe : أبو الوليد عبد الملك بن مروان), né en 646 et mort en 705, est le cinquième calife omeyyade. Il succède à son père Marwān Ier en 685. Connu pour sa bonne éducation et sa compétence, il pacifie le Califat omeyyade contre Abd Allah ibn az-Zubayr (qui ne s'était pas rebellé vu qu'il détenait lui aussi le Califat dans une grande partie du monde musulman), puis il étend ses frontières, en Afrique du Nord et en Inde notamment. Le règne de Abd Al-Malik est également marqué par l'apparition des premières pièces de monnaie omeyyades, ainsi que par différentes réformes, notamment dans les domaines de l'agriculture et du commerce.

Premières années[modifier | modifier le code]

Révolte kharidjite en Irak[modifier | modifier le code]

Le début du règne de Abd Al-Malik, qui succède à son père Marwān Ier en , est marqué par la révolte kharidjiste menée par Moukhtar ath-Thaqafi au nom de Muhammad ibn al-Hanafiya, un des fils de Ali ibn Abi Talib. Cette situation anarchique balaie l'Irak, notamment à Bassorah et Koufa. Abd Al-Malik renouvelle les ordres de son père, qui avait envoyé une armée sous le commandement de Ubayd Allah ben Ziyad pour combattre Moukhtar. Les habitants de Koufa finissent par se soulever contre Moukhtar qui meurt en 686.

Trahison de Amr ibn Said[modifier | modifier le code]

En 689, Abd Al-Malik part vers l'Irak, laissant à Amr ibn Said la gestion de Damas. Amr avait reçu auparavant de Marwān Ier la promesse de lui succéder, promesse qui n'est pas tenue étant donné que c'est Abd Al-Malik qui succède à son père. Amr ibn Said profite alors du départ de Abd Al-Malik vers l'Irak pour usurper le pouvoir. Abd Al-Malik revient sur ses pas et assiège Damas. Amr ibn Said, voyant que ses troupes lui font défection pour se ranger du côté de Abd Al-Malik, est obligé de céder. Il est décapité peu après[1].

Guerre avec l'Empire byzantin[modifier | modifier le code]

Dinars omeyyades à l'époque de Abd Al-Malik : à gauche, avers d'un dinar avant la réforme monétaire.

Abd Al-Malik frappe la monnaie en arabe, monnaie qui remplace les pièces byzantines et perses. Ce qui n'est pas accepté par l'empereur Justinien II. En 690, l'Empire byzantin attaque la Syrie, mais il est défait deux ans plus tard à la bataille de Sébastopolis.

La fin de Abd Allah ibn az-Zubayr et la pacification du califat[modifier | modifier le code]

En 691, Abd Al-Malik a suffisamment assuré son pouvoir à Damas, ayant éliminé tous les obstacles, pour reprendre l'Irak[2]. Il prend Koufa puis Bassorah et une partie du Fars avant de revenir à Damas. Cependant le Hedjaz, l'Égypte et le Yémen restent sous l'influence de Abd Allah ibn az-Zubayr. Abd Al-Malik prend le Khorassan en 692 et met la même année Al-Hajjaj ben Yusef à la tête d'une armée de 12 000 hommes pour affronter Abd Allah. Al-Hajjaj avance, sans rencontrer d'opposition, jusqu'à atteindre Taïf, qu'il utilise comme base pour ses opérations. Il propose à Abd Allah d'avoir la vie sauve s'il capitule, mais face à l'échec des négociations et à l'impatience d'Al-Hajjaj, ce dernier envoie un message au calife lui demandant des renforts et la permission d'attaquer La Mecque. Il obtient les deux et la ville est assiégée pendant huit mois. Au cours du siège, la Kaaba est endommagée par des engins de siège. Abd Allah est tué lors de l'assaut qui s'ensuit, la même année, et sa tête est suspendue à la gouttière de la Kaaba[3].

Abd Al-Malik, voyant en Al-Hajjaj un homme de confiance et efficace, le nomme gouverneur d'Irak en 697, et lui donne la liberté dans la gestion de ses territoires. Al-Hajjaj trouve de nombreux déserteurs à Bassorah et Koufa et leur enjoint de se battre. Il rétablit l'ordre, mais son mandat est marqué par de fréquentes révoltes à caractère religieux, révoltes qu'il arrive cependant à mater, grâce notamment à l'appui du calife et de troupes qui viennent en renfort. L'une de ces révoltes est menée par Abd er-Raḥman ibn Moḥammed ibn el-Achath. Ancien général omeyyade, Abd er-Raḥman se rebelle à la suite des ordres d'Al-Hajjaj de pousser à chaque fois plus à l'est après chaque conquête. Vaincu en 702 par Al-Hajjaj[4], il se replie à Bassorah. Vaincu à nouveau, il part vers le Khorassan. Lors d'une dernière bataille, l'armée d'Al-Hajjaj tue 11 000 hommes, 120 000 autres auraient été exécutés sur ordre d'Al-Hajjaj[5]. Ce dernier fonde en 702 la ville de Wasit sur les rives du Tigre, et achève de prendre le contrôle du Khorassan et du Khwarezm. Ces victoires préparent le terrain pour les futures conquêtes des fils de Abd Al-Malik.

Conquêtes en Afrique du Nord[modifier | modifier le code]

La sécurisation de l'Irak et du Hedjaz permet à Abd Al-Malik d'agir en Ifriqiya. Le gouverneur Hassan ibn Numan prend Carthage aux Byzantins en 695. La ville est perdue à nouveau, mais Hassan la reprend définitivement en 698. La seule place-forte byzantine en Afrique reste alors Ceuta. Hassan combat également les Zénètes rassemblés autour de la reine berbère Dihya. Mis en difficulté, il est repoussé jusqu'à Barqa, mais réussit à reprendre le dessus, notamment grâce aux renforts envoyés par le calife, à la suite des victoires d'al-Hajjaj ben Yusef en Irak. Dihya est vaincue près de l'actuelle Tabarka et sa tête est envoyée à Abd Al-Malik en 702[6]. Hassan développe ensuite Tunis, près de Carthage, puis est remplacé par Moussa Ibn Noçaïr vers 705. Ce dernier achève l'invasion de l'Afrique du Nord, mais échoue à prendre Ceuta.

Fin de règne[modifier | modifier le code]

Abd Al-Azīz, frère de Abd Al-Malik est désigné comme son successeur par leur père. Mais, il meurt en Égypte en mai 704, si bien qu' Abd Al-Malik n'a pas à respecter ce vœu. Il désigne aussitôt son fils Al-Walīd Ier comme successeur. Les dernières années du règne de Abd Al-Malik sont paisibles. Il meurt en 705.

Réalisations[modifier | modifier le code]

Réformes[modifier | modifier le code]

Parmi les principales réformes de Abd Al-Malik, on note l'arabisation de l'administration par la traduction des registres fiscaux en arabe, les réformes du système postal, de l'agriculture, du commerce, mais surtout la réforme monétaire faisant disparaître les monnaies sassanides et byzantines. Il frappe des pièces d'argent en 693 ou 694, puis d'or (le dinar) en 696[7].

La réforme monétaire[modifier | modifier le code]

Les différentes étapes de la réforme monétaire d'Abd Al-Malik[modifier | modifier le code]

Le monnayage omeyyade a connu trois phases[8]. La réforme monétaire allait de pair avec la réforme administrative ainsi qu'avec la centralisation du pouvoir qui définissait de façon précise le type des monnaies à frapper et créait ainsi une uniformisation du système monétaire du califat.

Dirham d'argent arabo-sassanide (675-676).
L'imitation des monnaies byzantines et sassanides[modifier | modifier le code]

Dans un premier temps, les Arabes se sont contentés d'adopter les types monétaires existant sur les territoires qu'ils avaient préalablement conquis en y apportant des signes distinctifs arabo-islamiques dont le plus marquant, mais non l'unique, est la formule bismillâh « au nom de Dieu ». Cette pratique existait déjà avant le règne de Abd Al-Malik. Par exemple, ce dirham d'argent de style sassanide frappé en 675-676, avant le califat de Abd Al-Malik, est une imitation de la drachme sassanide, portant l'effigie du roi sassanide d'Iran Khosro II (règne 591-628) et la bismillâh dans la marge.

C'est ainsi que les archéologues, lors de fouilles, ont mis au jour des monnaies arabo-sassanides[9] et arabo-byzantines[10].      

La période transitoire d'expérimentation : le « calife debout »[modifier | modifier le code]

La seconde phase de 694 à 697 est celle dite du « calife debout » dont l'effigie, un personnage en costume arabe, figure sur toutes les émissions monétaires du califat, accompagnée de la Chahada ou d'autres légendes religieuses. Chahada : « J'atteste qu'il n'y a pas de divinité en dehors d'Allah et que Mahomet est le messager d'Allah ».

Le personnage debout, barbu, porte une coiffe descendant sur le côté de sa tête, avec une longue robe et tient une épée en biais vers la gauche. Souvent sont incorporés à la légende le nom d'Abd Al-Malik avec le titre de serviteur de Dieu et commandeur des croyants, ainsi que le nom du lieu de frappe[11].

Un exemple figure sur cette page (dinar à l'effigie d'Abd Al-Malik de 695).

Dinar d'or frappé en 698-699 sous le califat d'Abd al-Malik (avers et revers).
Les monnaies aniconiques[modifier | modifier le code]

Leurs émissions sont attestées à partir de 697 pour l'or, ou 699 pour l'argent. Plus d'allégories, plus de titres à la gloire du prince régnant, plus de portraits : ces monnaies étaient islamiques et devaient participer exclusivement de la louange de Dieu, le nom du calife lui-même en était absent. Elles ne portaient que du texte : des professions de foi calligraphiées dans une élégante écriture kufi.

Le cheminement suivi entre la copie des monnaies sassanides et byzantines dans un premier temps, pour aller vers une unité monétaire dans l'empire des Omeyyades, portée par une monnaie originale et aniconique souligne la rupture avec le monde byzantin[12]. Cette monnaie créée sous le califat d'Abd Al-Malik survivra pendant plusieurs siècles.

Architecture[modifier | modifier le code]

Abd Al-Malik fait réparer la Kaaba et inaugure la coutume de la couvrir d'un drap de soie tissé à Damas. Il fait aussi construire le dôme du Rocher à Jérusalem en 692 et la Minat al-Qal'a[13].

Références[modifier | modifier le code]

  1. Tabarî (trad. Hermann Zotenberg), La Chronique : Histoire des prophètes et des rois [« تاريخ الرسل والملوك (Tārīḫ ar-rusul wal-mulūk) »], vol. II, Arles, Actes Sud, coll. « Sindbad »,‎ (ISBN 2742733183), p. 95-97.
  2. Ibid., p. 98.
  3. Ibid., p. 107.
  4. Ibid., p. 121-126.
  5. Ibid., p. 130-131.
  6. Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord : Des origines à 1830, Paris, Payot, coll. « Grande Bibliothèque Payot », , 2e éd. (ISBN 2228887897), p. 352-354.
  7. Ibn Khaldûn (trad. Abdesselam Cheddadi), Le Livre des Exemples [« ديوان المبتدأ والخبر في تاريخ العرب والبربر ومن عاصرهم من ذوي الشأن الأكبر (Dīwān al-mubtadaʾ wal-ḫabar fī Tārīḫ Al-ʿArab wal-Barbar waman ʿāṣarahum min ḏawī aš-šaʾn al-ʾakbar) »], t. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade »,‎ (ISBN 2070114252), p. 575-577.
  8. (en) Clive FOSS, Arab-Byzantine Coins. An Introduction, with a Catalogue Of The Dumbarton Oaks Collection, Washington D.C.,
  9. (en) John Walker, « A Catalogue of the Arab-Sassanian Coins » in A Catalogue of the Muhammadan Coins in the British Museum, vol. I, London,
  10. (en) John Walker, « A catalogue of the Arab-byzantine and Post-Reform Umaiyad coins » in A catalogue of the Muhammadan coins in the British Museum, vol. II,
  11. (en) John Haldon, Money, Power and Politics in Early Islamic Syria, Ashgate, , p. 22
  12. (en) John Haldon, Money, Power and Politics in early Islamic Syria, Ashate,
  13. Mathieu Tillier, « 692 : La construction du Dôme du Rocher : Un État islamique voit le jour », Le Monde des religions, « Les 20 dates clés de l’islam », Hors-série no 24, , p. 30-33.

Voir aussi[modifier | modifier le code]

Bibliographie[modifier | modifier le code]

  • Th. Bianquis, P. Guichard et M. Tillier (éd.), Les débuts du monde musulman (VIIe – Xe siècle) : De Muhammad aux dynasties autonomes, Presses Universitaires de France, Paris, 2012, p. 93-106.

Articles connexes[modifier | modifier le code]

Liens externes[modifier | modifier le code]